Les communs à la conquête de Nantes

Depuis quelques années, le municipalisme libertaire, théorie développée par Murray Bookchin proposant un modèle de société alternatif au capitalisme et de redonner du pouvoir décisionnel aux citoyens, a gagné en popularité. Plusieurs communes ont ainsi vu apparaitre lors des élections municipales de 2020 des listes se définissant comme participatives, revendiquant leur filiation avec les théories de Bookchin et souhaitant redonner de la place aux communs (1).

Nantes en commun.e.s (NEC) s'inscrit dans cette dynamique.

Les membres coordonnent leurs actions depuis leur quartier général situé rue de Talensac.

Dans le municipalisme de Bookchin, les assemblées constituent une base institutionnelle démocratique visant à favoriser la participation des habitants aux débats politiques et à la prise de décisions de la vie de la cité. C'est donc assez logiquement que NEC a organisé plusieurs rencontres par quartier et par thématiques.

Des groupes de travail se sont aussi constitués afin d'enquêter sur différentes sujets tels que l'énergie, l'alimentation, les transports, l'aménagement de la ville, la démocratie ou encore la culture. La démarche se voulait participative, les nantais étant invités à rejoindre un groupe, proposer et enquêter. Cette approche visait à la fois à accumuler des connaissances sur la ville pour construire des propositions politiques en adéquation avec les remontés de terrain, créer des réseaux et se faire connaitre.

 

Toutes ces rencontres ont ainsi aidé à construire un réseau de membres actifs, même si les fondateurs du mouvement, notamment Margot Medkour et Clément Barailla, sont restés des piliers centraux du mouvement. Margot Medkour a même été élue tête de liste.

Les soixante-huit autres candidats de la liste ont été désignés dans le cadre d'élections sans candidats. Les membres de NEC ont proposé des noms au cours de cinq rencontres. La liste a ensuite été validée et ordonnancée par vote. On retrouve assez logiquement dans cette liste des personnes connues pour leurs engagements dans des associations ou des mouvements et ayant des connaissances pratiques ainsi que des contacts stratégiques. Certains étaient déjà politisés, parfois affiliés à des groupes, principalement la France Insoumise, Je suis là et je compte et Ensemble mais cela ne représente que seize candidats sur les soixante-neuf au total, dix-sept si on inclut Andréa Le Marec qui soutient Fakir, le journal créé par François Ruffin. Au moins deux membres, Cécile Marty et Émilie Chassay se revendiquent en tant que gilets jaunes.

Les photographies présentées ici ont été prises à partir de janvier 2020, lorsque la campagne s'accélère. Le premier tour des élections est prévu le 15 mars et le second le 22 mars. Cette documentation n'est pas exhaustive. Je n'ai par exemple pas photographié la participation de NEC à des manifestations notamment contre la réforme des retraites ou encore le grand meeting du 6 mars, ou les apéros chez les candidats. Ces photographies offrent cependant un petit aperçu de la dynamique et des actions de ce jeune mouvement.

Un week-end de formation des candidats pour rappeler le rôle d'un élu municipal, ses prérogatives et son champs d'action est organisé courant janvier. C'est aussi l'occasion de rappeler la ligne politique du mouvement.

Le constitution du programme est déjà bien construite. Des réunions sont organisées dans différents quartiers de la ville pour l'exposer aux habitants.

Des rencontres sont aussi organisées en rapport avec les thèmes de campagne, notamment une soirée, le 7 février, intitulée "Comment penser ensemble luttes écologiques et luttes anti-coloniales et sociales?" à laquelle participe notamment Priscilla Ludosky, qui a lancé le mouvement des gilets jaunes. D'autres rencontres ont dénoncé les grands projets urbains notamment celui de la ZAC Doulon Gohards. NEC remet en effet en cause la bétonisation des terres agricoles et plus globalement la métropolisation de la ville.

Une fête en soutien à la campagne, avec des concerts de groupes locaux et quelques prises de paroles de candidats a été organisée le 28 février aux Ateliers de Bitches, lieu alternatif nantais menacé d'expulsion.

Et puis comme toutes les campagnes, les militants ont tractés, sur les marchés, dans les différents quartiers. Les deux dernières semaines, une course s'est engagée pour conserver la visibilité sur les panneaux d'affichage, chaque groupe politique recouvrant inlassablement les affiches de ses concurrents.

 

Nantes en commun.e.s a aussi été remarquée pour ses autocollants colorés aux slogans percutants faisant écho à leur ligne politique:
- Résiste
- La pollution tue les pauvres
- loyers trop chers, nantais en galère
- + de cafés dans nos quartiers
- La ville n'appartient pas aux riches
- Sous le béton, les potagers
- La métropole à un million, on n'en veut pas
- Aux grands projets, les grands remèdes
- Nantes, ville à vivre pas à vendre
- Après la croissance, la maturité
- Attractivité, compétitivité, c'est pas notre projeeeeeet
- Nantes, ville re-belle
- Habiter, résister, inventer
- s'aider plutôt que céder
- Rose, vert ou bleu, le capitalisme reste affreux
etc...

Les membres ont aussi alimenté les réseaux sociaux, notamment avec des vidéos, certaines sur un ton plutôt sérieux présentant les propositions, d'autres plus légères, notamment une vidéo jouant avec des paroles de chansons.

Ils ont aussi édité un journal reprenant le design des journaux gratuits "20 minutes" qu'ils ont titrés "21 minutes" et qui nous projette virtuellement le lundi 22 mars 2021, soit après un an de mandat de NEC à la mairie.

Nicolas Chenuet, musicien dans un groupe, a aussi écrit une chanson de campagne et la joue à l'occasion, notamment lors d'un tractage sur le marché de Doulon.

L'épidémie de COVID-19 a cependant apporté beaucoup d'incertitudes sur ces municipales, notamment concernant le maintien ou non du premier tour. Celui-ci aura finalement lieu, mais avec une faible participation, plus de 61 % des votants s'étant abstenus. La crainte de s'exposer au virus a ainsi contribué à augmenter le taux d'abstention de 16 points par rapport aux élections de 2014 (10) . Nantes en commun.e.s récoltera finalement 8,94% des votes. Mais suite à la crise sanitaire qui oblige à mettre en suspens une bonne partie la vie quotidienne, il faudra très probablement refaire les élections, avec un second premier tour.

(1) Pour en savoir plus sur les communs, vous pouvez lire l'ouvrage de référence "Commun - essai sur la révolution au XXI ème siècle" de Pierre Dardot et Christian Laval# Les communs à la conquête de Nantes